Commencez par les choses non industrialisables ! – Partie 4

Cet article est la quatrième et dernière partie d’une traduction du post « Do Things That Don’t Scale » paru sur le blog de Paul Graham en juillet 2013.

Après avoir vu pourquoi vous devriez recruter vos clients vous-même, puis pourquoi vous devriez enchanter vos clients avec une expérience insensément grandiose et enfin pourquoi vous devriez vous concentrer sur la plus petite audience possible, découvrons pourquoi vous devriez commencer par vendre et par délivrer de la valeur à vos clients sans avoir encore construit votre produit !

Commencez par les choses qui ne passeront pas à l’échelle – Partie 4 

5. Consultez pour un avant de résoudre pour tous

Parfois, nous conseillons aux fondateurs de startups B2B de s’investir bien au delà du raisonnable, de choisir un seul client et d’agir comme des consultants qui seraient en train d’implémenter une solution unique à un problème unique.

Les utilisateurs initiaux leurs servent alors de cobayes sur lesquels ils expérimentent et ajustent leur création jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement adaptée à leurs besoins. Ensuite, ils découvrent généralement que d’autres prospects sont tout à fait désireux d’utiliser ce qu’ils ont conçu pour ces premiers utilisateurs.

Et même si ces prospects peuvent être trop peu nombreux, il existe généralement des territoires adjacents dans lesquels d’autres clients potentiels sont également à la recherche d’une solution similaire.

A partir du moment où une entreprise est en mesure d’identifier un client qui a vraiment besoin de quelque chose et de résoudre le problème dont il est question, elle dispose d’un point de départ dans sa quête visant à construire quelque chose que tous les clients voudront. Un premier client est à peu près tout ce dont n’importe quelle startup a besoin pour commencer.

Bien évidemment, je peux imaginer des cas où cette équipe finira par avoir conçu quelque chose qui n’aura de la valeur que pour un seule client. Mais ce genre de risque est tellement visible qu’il n’échappe même pas aux fondateurs inexpérimentés. Donc s’il ne vous semble pas évident que vous êtes en train de construire une solution trop spécifique dont personne d’autre ne voudra, c’est que ce n’est probablement pas le cas, ne vous inquiétez pas pour ça.

Le conseil est un parfait exemple d’activité non industrialisable, mais il est une excellente façon de s’attirer les bonnes grâces de prospects.

Le plus important pour la startup est de refuser d’être payée. Lorsque les startups facturent cette forme d’accompagnement, elles passent de l’autre côté.

Aussi longtemps que les fondateurs restent des vendeurs d’une solution générique particulièrement à l’écoute de leurs clients, ces derniers apprécient grandement cette attention, même si l’équipe ne résoud pas tous leurs problèmes.

A la minute où la startup commence à facturer au client ce temps d’écoute et d’accompagnement, ce dernier s’attend alors à ce que l’équipe trouve des solutions à tout. 

Une autre technique dérivée du conseil et qui permet de convaincre des premiers prospects dubitatifs est de leur proposer une prestation de service qui inclut votre outil.

Nous avons utilisé cette approche avec Viaweb. Lorsque nous approchions les commerçants pour leur proposer d’utiliser ce logiciel afin de construire leur boutique en ligne, certains refusaient mais acceptaient que nous leur en codions une nous-mêmes afin de vendre leurs produits et de partager les marges.

Et puisque nous cherchions à acquérir des clients par tous les moyens, nous l’avons fait.

Nous nous sentions assez pitoyables à l’époque. Au lieu de signer des partenariats clés avec des acteurs majeurs de la distribution, nous nous retrouvions à essayer de vendre des valises, des stylos ou des t-shirts.

Rétrospectivement, c’était exactement la bonne chose à faire, parce que cela nous a mis dans la peau des commerçants qui utiliseraient notre solution.

Parfois la boucle de rétroaction (ndtr : cf partie 2 de l’article) était quasi instantanée : en plein milieu de la construction d’un site e-commerce, j’avais soudainement besoin d’une fonctionnalité que nous n’offrions pas, alors je passais quelques heures à la coder et à l’implémenter, et puis je reprenais le développement du site.

6. Faites-le à la main !

Une variante encore plus extrême consiste à ne même pas avoir de logiciel mais à faire comme si !

Quand vous avez un très faible nombre d’utilisateurs, vous pouvez parfois commencer par exécuter manuellement des choses que vous automatiserez petit à petit plus tard.

Cela vous permet de lancer votre activité plus rapidement. Et quand vous finissez finalement par automatiser vos opérations, vous avez une vision extrêmement claire de l’outil qu’il vous faut construire, parce que vous avez vous-même effectué ces tâches, encore et encore.

(ndtr : la startup Spacefill que nous avons eu le plaisir d’accompagner lors de sa création pendant le HEC Startup Launchpad a procédé exactement de cette façon.)

Le summum est atteint quand les clients eux-même finissent par croire à l’existence du logiciel et de ses fonctionnalités alors que ce sont les fondateurs qui font tout en coulisses. Quand Stripe permettait à ses premiers utilisateurs de disposer d’un compte vendeur « instantanément et sans effort » sur une de leurs plateformes partenaires, c’était tout simplement parce que les fondateurs copiaient les données des clients et allaient remplir à leur place les formulaires d’inscription !

Alors qu’elles démarrent leur activité, certaines startups peuvent ainsi exécuter la totalité de leur proposition de valeur de façon exclusivement manuelle.

Si vous êtes capable d’identifier une personne avec un problème urgent et important, et d’imaginer une façon de résoudre ce problème manuellement, foncez et faites-le aussi longtemps que vous pourrez vous le permettre, puis trouvez petit à petit des façons d’automatiser les tâches trop chronophages ou récurrentes.

Il peut sembler effrayant de tenter de résoudre les problèmes des autres alors que votre solution n’est pas encore automatisée. Je vous garantis que cela est néanmoins bien moins effrayant que la situation infiniment plus commune dans laquelle se retrouvent les nombreuses startups qui ont automatisé une solution alors qu’elles ne résolvent encore les problèmes de personne.

7 – Commencez petit

Je profite de cet article pour mentionner également une forme de tactique qui ne marche pratiquement jamais : le lancement en fanfare.

Il m’arrive parfois de rencontrer des fondateurs qui confondent lancement de startups et mise sur orbite, et qui croient que la seule façon de décoller est de disposer d’une poussée initiale suffisamment puissante.

Ces personnes veulent lancer leur produit avec des conférences de presse. Elles veulent la couverture des huit quotidiens nationaux le même jour, un mardi bien sûr, puisqu’elles ont lu quelque part que c’était là le meilleur jour de la semaine pour lancer un nouveau truc.

Il est facile d’observer combien la stratégie des petits pas est plus efficace. Essayez de vous souvenir de lancements de startups. De combien de ces lancements vous rappelez-vous ?

La seule chose dont vous avez besoin pour lancer votre activité est d’un petit nombre d’utilisateurs prêts à vous faire confiance. Quelques mois après votre lancement, votre situation dépendra avant tout de la capacité que vous aurez eu à les satisfaire, et pas de leur nombre initial.

Il est même possible qu’il existe une corrélation inverse entre l’envergure d’un lancement et le succès d’une entreprise.

Les seuls lancements dont je me souvienne sont des échecs célèbres, comme Segway et Google Wave. La leçon de Google Wave est essentielle, tant je pense qu’il s’agissait là d’une excellente idée qui a été fortement desservie par son lancement en grande pompe.

Alors pourquoi certains fondateurs accordent-ils tant d’attention aux lancements exubérants ?

Je pense qu’il s’agit d’une combinaison de paresse et d’égocentrisme.

Ces fondateurs pensent que ce qu’ils sont en train de bâtir est tellement extraordinaire que toute personne qui en entendra parler se jettera immédiatement dessus. Et il est tellement plus agréable pour eux d’imaginer qu’ils vont convertir des cohortes d’utilisateurs en parlant de leur solution plutôt qu’en allant les recruter un par un

Mais même si ce que vous êtes en train de construire est extraordinaire, acquérir des utilisateurs sera toujours un procédé graduel. Parce que gagner la confiance de vos clients et diminuer leurs craintes vis à vis de la nouveauté prend du temps, mais surtout parce qu’ils ont souvent bien mieux à faire que de penser à vous et à vos tentatives de solution pour leur plaire.

De la même manière, les partenariats sont rarement concluants. D’un point de vue général, mais plus encore quand il s’agit d’initier la traction commerciale de l’entreprise.

Parmi les fondateurs débutants, une erreur commune est de penser qu’un partenariat avec une grande organisation est ce qui va les propulser. Six mois plus tard, les retours sont unanimes : cela a finalement représenté beaucoup plus de travail que prévu pour un retour sur investissement quasi nul.

Bien sur, il y a des histoires différentes : Google a largement profité de sa relation avec Yahoo pour se développer. Mais il ne s’agissait pas d’un partenariat : Yahoo était un client.

Il n’y a pas que votre solution qui doit être extraordinaire. Votre effort initial pour partir à la rencontre de vos premiers clients doit être tout aussi extraordinaire.

Toute entreprise dont la stratégie omet cet effort et compte sur un lancement en fanfare ou un partenariat pour obtenir ses premiers clients est de fait suspecte.

Conclusion : Valeur + Confiance = Croissance

Recourir à des procédés laborieux et non industrialisables comme ceux que nous avons examinés ci-dessus est un impératif qui concerne la quasi totalité des entreprises qui se lancent.

Pour cette raison, il me semble nécessaire d’arrêter de considérer les projets de startups comme le fait de bâtir des petites entreprises qu’il s’agira ensuite de faire grandir linéairement.

A la place, nous devrions considérer les startups en phase embryonaire comme la combinaison de deux types d’activités essentielles :

  • Comprendre les problèmes des utilisateurs et découvrir ce qu’il s’agit de construire pour eux (Valeur)
  • Et ces mille et une choses non industrialisables qu’il s’agira de mettre en oeuvre au démarrage pour provoquer la traction commerciale initiale de la société (Confiance

Il peut être intéressant pour vous de concevoir votre projet d’entreprise de cette façon, car cela vous permet :

  • d’identifier deux activités distinctes que vous pouvez utiliser pour faire avancer votre idée
  • de réaliser que vous pouvez rivaliser d’efforts et d’imagination dans la construction de votre solution, mais également dans la façon d’acquérir vos clients.

La plupart du temps, votre traction initiale dépendra essentiellement de votre capacité à recruter vos premier utilisateurs en personne et de leur offrir une expérience insensèment grandiose.

Garder cela à l’esprit permet aux fondateurs de se rappeler qu’il ne s’agit pas seulement de consacrer leur temps à construire le meilleur produit possible, et qu’ils ne devraient probablement pas essayer d’investir un secteur au sein duquel ils n’auront aucun moyen d’aller recruter en personne leurs premiers utilisateurs.

Dans le meilleur des cas, ces deux activités contribuent à façonner la culture naissante de votre entreprise.

Ne considérez plus ces mille et unes petites choses chronophages, non industrialisables et temporaires comme un mal nécessaire afin de pouvoir vous lancer, mais bel et bien comme une façon de construire et d’entretenir un état d’esprit essentiel pour votre équipe et vous-même.

Si vous devez apprendre à rivaliser d’efforts pour acquérir des clients lorsque vous vous lancez, vous continuerez probablement à rivaliser d’efforts lorsque vous aurez grandi.

Si vous devez construire vous même votre produit, ou bien l’utiliser en vous mettant à la place de votre client, vous apprendrez des choses que vous n’auriez jamais pu apprendre autrement.

Et plus important encore, si vous prenez l’habitude de travailler dur pour enchanter vos utilisateurs alors qu’ils ne sont encore qu’une poignée, vous continuerez à rivaliser d’efforts lorsqu’ils seront des milliers.

Merci à Sam Altman, Paul Buchheit, Patrick Collison, Kevin Hale, Steven Levy, Jessica Livingston, Geoff Ralston, and Garry Tan pour la relecture des brouillons de cet article.


Afin d’être certain de vous apporter ce que vous recherchez, d’écrire du contenu toujours plus adapté à vos attentes, je voudrais mieux vous connaitre. Comprendre ce que vous cherchez à accomplir et les différentes questions qui peuvent être les vôtres.

C’est pour cela que je vous propose de répondre à trois questions en cliquant sur le lien ci-dessous. Cela vous prendra moins de cinq minutes, et me permettra de concevoir des articles qui répondent à vos interrogations les plus pressantes.

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C’est à vous de jouer, je vous laisse cliquer sur ce lien et me dire ce que je peux faire pour vous. J’ai hâte de découvrir vos retours et de répondre à vos questions.

Prenez soin de vous, et à mercredi prochain.

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